La production d'électricité à domicile connaît un essor considérable en France, portée par les préoccupations environnementales et la volonté d'indépendance énergétique des particuliers. Cette tendance s'inscrit dans le cadre plus large de la transition énergétique, encouragée par les pouvoirs publics. Mais qu'en est-il réellement du cadre légal entourant cette pratique ? Quelles sont les technologies autorisées et les démarches à entreprendre pour produire sa propre électricité en toute légalité ? Explorons ensemble les contours de l'autoproduction électrique en France, ses opportunités et ses limites.
Cadre légal de l'autoproduction d'électricité en france
L'autoproduction d'électricité en France est encadrée par un ensemble de textes législatifs et réglementaires qui ont considérablement évolué ces dernières années. Ces dispositions visent à faciliter et encourager la production décentralisée d'électricité tout en garantissant la sécurité du réseau électrique et la protection des consommateurs.
Loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015
La LTECV de 2015 a marqué un tournant décisif dans la politique énergétique française. Cette loi a posé les bases juridiques de l'autoconsommation d'électricité, en reconnaissant officiellement le droit des particuliers et des entreprises à produire leur propre électricité. Elle a notamment introduit la notion d' autoconsommation collective , permettant à plusieurs consommateurs de partager l'électricité produite localement.
Cette loi a également fixé des objectifs ambitieux en termes de développement des énergies renouvelables, visant à porter leur part à 32% de la consommation finale d'énergie en 2030. L'autoproduction d'électricité s'inscrit pleinement dans cette démarche, en favorisant le déploiement de solutions de production décentralisées et écologiques.
Arrêté du 9 mai 2017 sur l'autoconsommation
L'arrêté du 9 mai 2017 est venu préciser les modalités techniques et financières de l'autoconsommation d'électricité. Il a notamment défini les conditions de raccordement des installations d'autoproduction au réseau public de distribution d'électricité, ainsi que les modalités de comptage de l'électricité produite et consommée.
Cet arrêté a également introduit un cadre tarifaire spécifique pour l'autoconsommation, avec la création d'un tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) adapté. Ce tarif tient compte des spécificités de l'autoconsommation, notamment en termes de profil de consommation et d'impact sur le réseau.
Décret n° 2020-1720 du 28 décembre 2020 sur l'autoconsommation collective
Le décret n° 2020-1720 du 28 décembre 2020 a apporté des précisions importantes sur le cadre juridique de l'autoconsommation collective. Il a notamment élargi le périmètre géographique dans lequel peut s'exercer l'autoconsommation collective, passant d'un rayon de 1 km à 2 km autour du point de production.
Ce décret a également simplifié les démarches administratives pour la mise en place d'opérations d'autoconsommation collective, en allégeant les procédures de déclaration et d'autorisation. Il a ainsi contribué à lever certains freins au développement de ces projets, tout en maintenant un cadre réglementaire garantissant la sécurité et l'équité du système électrique.
Technologies d'autoproduction électrique autorisées
La législation française autorise plusieurs technologies pour l'autoproduction d'électricité. Chacune de ces technologies présente des avantages et des contraintes spécifiques, et leur utilisation est soumise à des réglementations particulières.
Panneaux photovoltaïques : réglementation et puissance maximale
Les panneaux photovoltaïques constituent la technologie la plus répandue pour l'autoproduction d'électricité en France. Leur installation est soumise à une réglementation précise, qui varie selon la puissance de l'installation et son lieu d'implantation.
Pour les installations de moins de 3 kWc (kilowatt-crête), une simple déclaration préalable de travaux auprès de la mairie est généralement suffisante. Au-delà de cette puissance, un permis de construire peut être nécessaire, notamment si l'installation modifie l'aspect extérieur du bâtiment.
La puissance maximale autorisée pour une installation photovoltaïque en autoconsommation n'est pas limitée par la loi. Cependant, pour bénéficier du tarif d'achat réglementé pour le surplus d'électricité injecté sur le réseau, la puissance de l'installation ne doit pas dépasser 100 kWc.
L'installation de panneaux photovoltaïques en autoconsommation représente une solution efficace et accessible pour réduire sa dépendance énergétique tout en contribuant à la transition écologique.
Éoliennes domestiques : contraintes d'installation et seuils de puissance
Les éoliennes domestiques, bien que moins courantes que les panneaux solaires, constituent une alternative intéressante pour l'autoproduction d'électricité, particulièrement dans les zones ventées. Leur installation est cependant soumise à des contraintes plus importantes.
Pour les éoliennes de moins de 12 mètres de hauteur, une déclaration préalable de travaux est généralement suffisante. Au-delà, un permis de construire est nécessaire. De plus, l'installation doit respecter certaines distances par rapport aux limites de propriété et aux habitations voisines.
En termes de puissance, les éoliennes domestiques sont généralement limitées à 30 kW. Au-delà, elles entrent dans la catégorie des installations professionnelles, soumises à une réglementation plus stricte.
Micro-hydraulique : conditions d'exploitation des cours d'eau privés
La micro-hydraulique, qui consiste à produire de l'électricité à partir de petits cours d'eau, est également autorisée pour l'autoproduction. Cependant, son utilisation est soumise à des conditions strictes, notamment en termes de préservation de l'environnement et de la biodiversité.
L'exploitation d'un cours d'eau privé pour la production d'électricité nécessite une autorisation préfectorale, appelée droit d'eau . Cette autorisation fixe les conditions d'utilisation de l'eau, notamment le débit réservé qui doit être maintenu dans le cours d'eau pour préserver la vie aquatique.
La puissance des installations micro-hydrauliques en autoconsommation est généralement limitée à 150 kW. Au-delà, elles entrent dans la catégorie des installations professionnelles, soumises à une réglementation plus contraignante.
Procédures administratives pour l'autoproduction
La mise en place d'une installation d'autoproduction d'électricité nécessite de suivre plusieurs procédures administratives. Ces démarches varient selon la technologie utilisée et la puissance de l'installation.
Déclaration préalable de travaux auprès de la mairie
Dans la plupart des cas, l'installation d'un dispositif d'autoproduction d'électricité nécessite une déclaration préalable de travaux auprès de la mairie. Cette démarche permet à la commune de vérifier la conformité du projet avec les règles d'urbanisme en vigueur.
Le dossier de déclaration préalable doit comprendre plusieurs éléments, notamment :
- Un plan de situation du terrain
- Un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier
- Un plan des façades et des toitures
- Une notice décrivant le projet et ses impacts éventuels sur l'environnement
Le délai d'instruction de la déclaration préalable est généralement d'un mois. En l'absence de réponse de la mairie dans ce délai, l'autorisation est considérée comme accordée.
Demande de raccordement à enedis pour l'injection du surplus
Si vous souhaitez injecter le surplus de votre production d'électricité sur le réseau public, vous devez effectuer une demande de raccordement auprès d'Enedis, le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité. Cette démarche est obligatoire, même si vous ne prévoyez d'injecter qu'occasionnellement du surplus.
La demande de raccordement peut être effectuée en ligne sur le site d'Enedis. Elle doit être accompagnée de plusieurs documents, notamment :
- Une copie de l'autorisation d'urbanisme (déclaration préalable ou permis de construire)
- Un plan de masse indiquant l'emplacement souhaité du compteur
- Une fiche de collecte décrivant les caractéristiques techniques de l'installation
Suite à cette demande, Enedis réalise une étude technique et vous adresse une proposition de raccordement. Une fois cette proposition acceptée, les travaux de raccordement peuvent être réalisés.
Contrat d'achat avec EDF obligation d'achat
Si vous souhaitez vendre le surplus de votre production d'électricité, vous devez souscrire un contrat d'achat avec EDF Obligation d'Achat. Ce contrat fixe les conditions de rachat de votre électricité, notamment le tarif applicable.
Pour les installations photovoltaïques de moins de 100 kWc, le tarif d'achat est fixé par arrêté ministériel. Il varie selon la puissance de l'installation et la part d'électricité autoconsommée. Pour les autres technologies ou les installations de plus grande puissance, le tarif d'achat est fixé par appel d'offres.
La durée du contrat d'achat est généralement de 20 ans pour les installations photovoltaïques. Elle peut varier pour les autres technologies.
Limites et contraintes de l'autoproduction légale
Si l'autoproduction d'électricité offre de nombreux avantages, elle est néanmoins soumise à certaines limites et contraintes qu'il est important de connaître avant de se lancer dans un projet.
Seuils de puissance maximale par technologie
Chaque technologie d'autoproduction est soumise à des seuils de puissance maximale au-delà desquels les contraintes réglementaires deviennent plus importantes. Ces seuils varient selon les technologies :
Technologie | Seuil de puissance |
---|---|
Photovoltaïque | 100 kWc pour bénéficier du tarif d'achat réglementé |
Éolien domestique | 30 kW |
Micro-hydraulique | 150 kW |
Au-delà de ces seuils, les installations entrent dans la catégorie des installations professionnelles, soumises à une réglementation plus stricte et à des procédures administratives plus complexes.
Restrictions sur la revente d'électricité aux particuliers
La législation française impose certaines restrictions sur la revente d'électricité produite par les particuliers. En effet, la vente directe d'électricité à d'autres particuliers n'est pas autorisée, sauf dans le cadre d'opérations d'autoconsommation collective encadrées par la loi.
L'électricité produite en surplus peut être :
- Autoconsommée sur place
- Injectée gratuitement sur le réseau
- Vendue à EDF Obligation d'Achat ou à un autre acheteur agréé
Ces restrictions visent à garantir la sécurité du réseau électrique et à préserver l'équilibre du marché de l'électricité.
Obligations fiscales et déclarations de revenus
L'autoproduction d'électricité peut avoir des implications fiscales qu'il est important de prendre en compte. Les revenus issus de la vente du surplus d'électricité sont en principe soumis à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).
Cependant, il existe une exonération pour les installations de moins de 3 kWc, à condition que l'électricité produite soit consommée pour les besoins du foyer. Au-delà de ce seuil, les revenus doivent être déclarés, même s'ils peuvent bénéficier de régimes fiscaux simplifiés (micro-BIC par exemple).
Par ailleurs, l'installation d'un dispositif d'autoproduction peut avoir un impact sur la taxe foncière, en augmentant la valeur locative du bien. Il est donc recommandé de se renseigner auprès de l'administration fiscale sur les implications précises de votre projet.
Aides financières et incitations à l'autoproduction
Pour encourager le développement de l'autoproduction d'électricité, plusieurs dispositifs d'aide et d'incitation ont été mis en place par les pouvoirs publics.
Prime à l'autoconsommation photovoltaïque de l'ADEME
L'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (ADEME) propose une prime à l'autoconsommation photovoltaïque. Cette prime, versée sur 5 ans, vise à encourager l'installation de panneaux solaires en autoconsommation.
Le montant de la prime varie selon la puissance de l'installation :
Puissance de l'installation |
---|
Cette prime est cumulable avec d'autres aides, comme le crédit d'impôt transition énergétique ou les aides régionales. Elle constitue une incitation financière significative pour les particuliers souhaitant s'engager dans l'autoproduction d'électricité photovoltaïque.
Crédit d'impôt transition énergétique (CITE)
Le Crédit d'Impôt Transition Énergétique (CITE) permet aux particuliers de déduire de leurs impôts une partie des dépenses engagées pour certains travaux d'amélioration de la performance énergétique de leur logement. Bien que le CITE ait été progressivement remplacé par MaPrimeRénov' depuis 2020, certains équipements d'autoproduction d'électricité restent éligibles à ce dispositif pour les foyers aux revenus les plus élevés.
Les équipements éligibles au CITE incluent notamment :
- Les panneaux photovoltaïques (dans la limite d'un plafond de 3 000 € TTC par kWc installé)
- Les systèmes de fourniture d'électricité à partir de l'énergie hydraulique ou de biomasse
Le montant du crédit d'impôt varie selon les équipements installés et les ressources du foyer. Il est important de noter que les travaux doivent être réalisés par une entreprise certifiée RGE (Reconnu Garant de l'Environnement) pour pouvoir bénéficier du CITE.
Tarifs de rachat du surplus d'électricité injectée
Les tarifs de rachat du surplus d'électricité injectée sur le réseau constituent une incitation importante pour les auto-producteurs. Ces tarifs sont garantis sur une durée de 20 ans pour les installations photovoltaïques, offrant ainsi une visibilité à long terme sur les revenus générés par l'installation.
Pour les installations photovoltaïques en autoconsommation avec vente du surplus, les tarifs de rachat en vigueur au 1er trimestre 2023 sont les suivants :
Puissance de l'installation | Tarif de rachat |
---|---|
≤ 3 kWc | 10 c€/kWh |
3 kWc < P ≤ 9 kWc | 10 c€/kWh |
9 kWc < P ≤ 36 kWc | 6 c€/kWh |
36 kWc < P ≤ 100 kWc | 6 c€/kWh |
Ces tarifs sont révisés chaque trimestre par la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE) pour tenir compte de l'évolution des coûts des installations photovoltaïques et du marché de l'électricité.
Il est important de noter que ces tarifs s'appliquent uniquement au surplus d'électricité injecté sur le réseau. L'électricité autoconsommée n'est pas rémunérée, mais permet de réaliser des économies sur la facture d'électricité en réduisant la quantité d'électricité achetée au réseau.
L'autoproduction d'électricité offre ainsi une double opportunité : réduire sa dépendance énergétique tout en générant potentiellement des revenus complémentaires grâce à la vente du surplus.
En conclusion, le cadre légal de l'autoproduction d'électricité en France a considérablement évolué ces dernières années, offrant de nouvelles opportunités aux particuliers et aux entreprises souhaitant produire leur propre électricité. Les technologies autorisées, principalement le photovoltaïque, l'éolien domestique et la micro-hydraulique, permettent de répondre à différents besoins et contextes. Bien que les procédures administratives puissent parfois sembler complexes, elles garantissent la sécurité et la qualité des installations. Les diverses aides financières et incitations mises en place par les pouvoirs publics contribuent à rendre l'autoproduction d'électricité de plus en plus accessible et attractive. Ainsi, produire sa propre électricité de manière légale est non seulement possible, mais également encouragé dans le cadre de la transition énergétique française.